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Les sangliers: P�nurie ou abondance ?

EXTRAIT du c�l�bre ouvrage de Gilbert Valet � Du Sanglier � la b�te noire � ou l'histoire d'une passion
C'est une question de gestion.
S'il est vrai que les sangliers s'adaptent facilement � des territoires vari�s et � des situations diverses, les petits coups de pouce que peuvent leur donner les chasseurs seront toujours un � plus � � leur installation.
Dans ce domaine, on peut consid�rer que la connaissance est acquise, la bonne volont� est l�, la comp�tence peut-�tre am�lior�e. Tous les ingr�dients sont pr�ts, reste � r�aliser la recette. Or la recette pour en faire un plat app�tissant et digeste en mati�re de sanglier, c'est la gestion.
�a y est, le mot est lanc�, comme tous les bons technocrates, (mais en existe-t-il de mauvais ?) je vais moi aussi parler de gestion, pr�l�vements, am�nagements, etc.
En mati�re de gestion, le plus difficile n'est pas de concevoir ou d'imaginer des m�thodes, le plus difficile c'est de les mettre en application.
Tout le monde sait, par exemple, qu'il ne faut pas tirer la laie meneuse, c'est-�-dire le premier sanglier qui se pr�sente � la ligne. Mais est-ce qu'il y en aura un deuxi�me ? Alors Pan !
Tout le monde sait qu'il faut ne faut jamais tirer une laie suit�e, mais les marcassins sont � la tra�ne, je ne les ai pas vus, et Pan !
Tout le monde sait qu'il ne faut pas tirer les gros sangliers, deux petits c'est mieux qu'un gros. Mais voil� dix sorties que je ne vois pas un cochon et celui qui me fait le poste est � comme un �ne �, alors Pan !
Tout le monde sait qu'il faut s'entendre avec les � dianes � voisines. Mais allez donc faire comprendre quelque chose � ces viandards bouch�s � l'�meri du village d'� c�t�. Si je ne le tue pas, c'est eux qui le feront, alors Pan !
Tout le monde sait que l'agrainage sauvage et incontr�l� ne sert qu'� engraisser les sangliers. Mais si je n'agraine pas, ce sont les voisins, qui ne se g�nent pas, eux, qui vont garder tous les cochons. Alors Pan !
Et ainsi de suite c'est une longue litanie de bonnes paroles qui en fin de compte d�bouchent rarement sur du concret et du r�alisable.
C'est toujours l'autre qui fait des erreurs, c'est toujours l'autre qui ne respecte rien, c'est toujours l'autre qui ne sait pas s'arr�ter � temps. Que ce soit le voisin, la commune d'� c�t� ou le d�partement contigu, c'est bien connu, c'est toujours des autres que vient le mauvais exemple.
Malgr� tout avec de la patience, de la pugnacit�, un peu d'humilit� et beaucoup de persuasion, on peut convaincre et amener � la gestion un certain nombre de chasseurs. surtout si c'est un chef d'�quipe ou un piqueur qui en est convaincu car ce sont eux qui m�nent la chasse et qui ont en fait le pouvoir de d�cision. A leur tour, leur t�che sera rude, car il faudra qu'ils fassent passer le message � leurs �quipiers et tous ne seront pas r�ceptifs � ses arguments, loin s'en faut.
Toutes les r�gles de gestion, aussi simples ou sophistiqu�es soient-elles, sont bonnes. Mais il faudra toujours garder en m�moire que, pour qu'en mati�re de chasse, une r�gle soit appliqu�e, il faut qu'elle soit applicable, donc simple et acceptable par tous.
En premier lieu, c'est la notion de territoire qu'il faut bien assimiler. Nous l'avons appris, le domaine que peut parcourir et exploiter une compagnie de sangliers est immense et de toute fa�on toujours plus vaste que le territoire d'une �quipe de chasse. Il importe donc, si l'on souhaite g�rer et chasser intelligemment un territoire, de prendre en compte la totalit� du massif dont il fait partie. ce qui revient � dire qu'il faut qu'il y ait concertation, ou du moins discussion, entre les diff�rentes �quipes qui chassent sur le massif concern�. Si d�j� on se r�unit pour parler, ce sera un grand pas de franchi. Ensuite, on �tablira des r�gles que chacun s'engagera � respecter sur son propre territoire. Chacun chasse chez soi mais en appliquant des r�gles communes. En effet, il ne servirait � rien de s'imposer un r�glement que le voisin s'�vertuerait � bafouer.
Il existe bien s�r des structures tels que les Groupements d'Int�r�t Cyn�g�tique ou autres pour officialiser les bonnes r�solutions. C'est bien, mais plus qu'un organisme, c'est un �tat d'esprit que l'on doit cr�er.
Dans ce domaine, les techniciens des f�d�rations D�partementales de Chasseurs seront des interlocuteurs privil�gi�s. ces techniciens cyn�g�tiques qui ont en charge tous les aspects techniques, ont non seulement la comp�tence mais la disponibilit� et surtout une vue globale des probl�mes rencontr�s. Ils sauront donc mettre en place et contr�ler des syst�mes de gestion compatibles avec les densit�s de sangliers, les m�thodes de chasse, les probl�mes agricoles et les mentalit�s locales.
Si la notion de territoire est au centre des pr�occupations du gestionnaire, c'est de surface dont il s'agit. Dans le Midi o� la chasse aux chiens courants est la r�gle, on ne pourra imaginer g�rer valablement un territoire que s'il est suffisamment grand. G�n�ralement la structure locale, c'est la � Diane � qui est une �manation de la soci�t� de chasse du village. Peu ou prou c'est sur la totalit� de la surface de la commune que la � Diane � pourra chasser, ce qui repr�sente des surfaces assez importantes de l'ordre de 1000 � 3 000 hectares en moyenne.
Sur un territoire de chasse, on �vitera, autant que faire la constitution d'�quipes dissidentes qui est la pire des choses qui puissent arriver avec les tensions internes qu'engendre la zizanie. Rappelons-nous simplement que la constitution d'une deuxi�me �quipe n'agrandit pas le territoire. Un hectare, m�me coup� en deux, fait toujours, dix mille m�tres carr�s.
Deux �quipes � ratissent � deux fois plus qu'une, et m�me si c'est au prix de quelques inconv�nients, il vaut toujours mieux pour la chasse une seule �quipe, m�me un peu encombrante, que deux petites qui se � tirent dans les pattes �. Il faut donc tout mettre en oeuvre pour conserver l'int�grit� du territoire afin d'avoir un maximum de terrain � chasser. C'est � cette seule condition que l'on �vitera de revenir trop souvent � la m�me attaque. Penser un peu plus au sanglier qu'au chasseur devrait �tre le souci majeur de tous.
Si le territoire est vraiment trop petit, c'est � dire inf�rieur � cinq cents hectares, il faudra changer de m�thode de chasse. Plus de chiens de grands pieds, plus de men�es interminables mais de petites enceintes ferm�es de pr�s, chass�es avec un minimum de petits chiens en espa�ant le plus possible les sorties. C'est diff�rent mais cela peut �tre aussi tr�s agr�able et efficace.
Apr�s avoir pris en compte la surface du territoire, c'est le temps consacr� � la chasse qui est l'autre param�tre de la gestion. Le temps est r�volu, m�me si c'�tait parfois tr�s excitant, o� l'on chassait tous les jours � l'opportunit�. Une trace rep�r�e, trois coups de t�l�phone et voil� une battue improvis�e mise e n place. Aujourd'hui, dans la plupart des cas, c'est pendant la p�riode d'ouverture l�gale, trois jours par semaine, le week-end plus une journ�e, g�n�ralement le mercredi. C'est un bon rythme pour la plupart des territoires, du moins pour ceux qui permettent de ne pas revenir deux jours cons�cutifs � la m�me remise.
En principe, le calendrier est d�cid� a maxima par les instances f�d�rales mais rien n'emp�che les responsables locaux d'am�nager leurs sorties et de r�duire leur effort de chasse � certain moment s'ils jugent que la population de sanglier est trop sollicit�e.
Ce n'est nullement une obligation de chasser trois fois par semaine. Et ce n'est surtout pas, parce que, les voisins font des erreurs, et le mot est faible, qu'il faut se croire obliger de faire les m�mes.
� ces dates limites d'ouverture et de fermeture, on peut imaginer des amendements pour anticiper ou prolonger ces p�riodes. Ce sera bien souvent sous la pression des agriculteurs qui subissent les d�g�ts de sangliers que ces mesures seront prises. L� comme dans toute chose, la mod�ration et la concertation seront de mise. L'exp�rience a montr� que les ouvertures anticip�es n'avaient bien souvent d'effet que sur l'humeur des agriculteurs qui y voient une prise en compte de leurs probl�mes, et ce n'est pas rien ! Sur le plan efficacit� c'est plus discutable. Dans la plupart des cas, on d�place le probl�me. Le d�rangement des sangliers, dans les bois proches des cultures, les �loigne parfois. Bien souvent, cela les incite � fuir ces bois trop chass�s et � se r�fugier dans les ma�s ou dans les vignes o� ils trouveront gite et nourriture. Le rem�de sera alors plus dommageable que le mal.
� la fin de la saison, on sera peut-�tre tent� de jouer les � prolongations � tant il est difficile de s'arr�ter. Les d�g�ts sont alors un bon pr�texte. Mais l� encore attention danger ! On va tout de suite puiser dans le capital reproducteur restant. Les femelles sont souvent gestantes, moins mobiles, plus vuln�rables. Ce sont celles que l'on s'est �vertu� � prot�ger toute la saison qui feront les frais de la prolongation. Bien souvent une fermeture trop tardive c'est la saison suivante qui est entam�e plus t�t que pr�vu. Il est bien �vident, mais est-il besoin de le rappeler, que fermeture signifie fermeture. C'est � dire plus de chasse, plus de chiens, la tranquillit� absolue pour le territoire. Les battues aux renards et autres pseudo nuisibles doivent �tre proscrites. Les laies vont mettre bas et n'ont nul besoin de ce d�rangement suppl�mentaire, elles ont d�j� donn� !
Quant � la notion de � nuisible � qui est h�las, dans certaines r�gions, largement utilis�e pour � g�rer � le sanglier, je pense que c'est une aberration.
Mon esprit simpliste et ma na�vet� naturelle n'arrivent pas � comprendre comment les chasseurs peuvent qualifier un gibier de � nuisible �.
Mais peut-�tre n'ai-je pas tout compris, ou alors est-ce l� un simple pr�texte pour satisfaire la cupidit� et l'avidit� de certains. Il y a sans doute bien d'autres m�thodes � mettre en place. Il s'agit de cr�er, sur le territoire, une ou plusieurs zone de qui�tude et de refuge pour les sangliers. C'est simple et tout de suite vient � l'esprit la notion de r�serve. Eh bien non, � mon id�e ce n'est pas de r�serve au sens administratif du terme, mais de refuge dont il s'agit.
En effet la plupart du temps, et surtout si elle est obligatoire, la r�serve est plac�e l� o� elle g�nera le moins les chasseurs. La cour de l'�cole, le cimeti�re, la place du march�, le lotissement des Grands Pins ou la voie ferr�e sont de fr�quents exemples de � r�serve de chasse �. C'est tr�s bien pour la s�curit� des villageois, pour le gibier, c'est � voir. Plus s�rieusement, il conviendra de mettre en place, � l'�chelle du massif chass� une ou plusieurs zones de refuges qui seront choisies ,parmi les bonnes remises et si possible � la limite de deux ou plusieurs communes. Il faut que cela profite � tout le monde. Cette zone n'aura pas le statut de r�serve, pourra �tre tournante et changer de place ou de surface au gr� de son efficacit�. Par contre, elle devra �tre un v�ritable sanctuaire o� bien s�r toutes formes de chasse seront proscrites et les chiens � interdits de s�jour �. Il n'est pas n�cessaire qu'elle soit immense, quelques dizaines d'hectares seront suffisants. Si elle est bien plac�e, s�curisante et respect�e, les sangliers sauront tr�s vite la mettre � profit.
D�j� certaines �quipes ont cr�e ce genre de structure et �a marche. Bien s�r, c'est difficile � faire respecter quand on fait � buisson creux � trois fois de suite et que l'on sait qu'� la Gardiole il y a vingt-cinq sangliers qui se pr�lassent dans la meilleure remise du canton.
C'est cependant � ce prix, fort modique d'ailleurs, que l'on pr�parera les chasses futures.
Chasser grand, chasser moins, chasser mieux, c'est aussi parfois faire le choix du tir. Certes la battue post�e aux chiens courants n'est peut-�tre pas la m�thode la plus propice pour ce genre d'exercice mais pourquoi pas. Il ne faut surtout pas jeter l'opprobre sur ce mode de chasse comme on entend dire �a et l�. La chasse du sanglier aux chiens courants n'est pas du tout incompatible avec une bonne gestion des populations, si tant est que les chasseurs soient respectueux d'un certain nombre de r�gles. Dans ce domaine, tout ou presque a �t� propos�. Du quota global pour la saison au syst�me des points attribu�s et retir�s en fonction de la cat�gorie d'animaux abattus, assortis bien s�r de p�nalit�s. C'est bien, �a fonctionne, mais � mon sens �a enl�ve beaucoup � la spontan�it�. Je vais aussi � la chasse pour me faire plaisir, et si une �p�e de Damocl�s est suspendue en permanence � mon poste, je dois avouer que je ne me sens pas tout � fait � l'aise. J'ai tant d'autres occasions de perdre des points.
Il convient tout de m�me de savoir se ma�triser et il n'y a aucune honte � lever le fusil sur un animal que l'on croyait �tre une laie suit�e et qui s'av�re �tre un ragot de bon aloi. En fin de compte on peut tr�s bien imaginer sur nos territoires m�ridionaux, qui somme toute sont riches, de laisser � nos �quipiers le libre choix de leur tir pendant les deux tiers de la saison, � condition que pour le tiers restant, seul soit permis le tir des b�tes rousses. Ainsi on ne prendra pas le risque de tuer les derni�res femelles adultes qui restent, sur le territoire.
Pour r�sumer, la gestion d'une esp�ce comme le sanglier, c'est simple et �a tient en quatre mots: surface, temps, nombre, qualit�. Cependant il ne faut pas figer les choses et il convient d'analyser avec soin le pr�l�vement global sur le massif Un tableau de chasse ne se traduit pas uniquement en nombre total, voire en record. C'est aussi tenir compte des sexes, des �ges, des poids, de l'�tat sanitaire et physiologique des animaux abattus. Dans ce domaine le meilleur outil de gestion, c'est le registre de battue que beaucoup de d�partements m�ridionaux ont instaur� et ils s'en f�licitent. Ce document soigneusement rempli tous les jours de chasse devient au fil des ans la v�ritable m�moire de l'�quipe. C'est la r�f�rence qui permet de savoir au jour le jour comment s'est d�roul�e la saison de chasse.
Un premier bilan peut se faire � mi-saison, � la Toussaint par exemple, ce qui permettra � d'ajuster le tir � pour le reste de la campagne. Un bilan d�finitif en fin de saison avec toutes les �quipes chassant sur le m�me massif aidera � pr�parer dans de bonnes conditions la saison prochaine.
Si, dans la plupart des cas, appliquer des r�gles de gestion c'est viser l'augmentation des populations chassables, ce peut �tre aussi pour d'autres, les diminuer afin de les rendre compatibles avec l'agriculture. Il suffit alors de changer son fusil d'�paule, mais en ayant toujours en t�te le sanglier, et non la chasse et les chasseurs. Il ne s'agit pas de d�truire en une saison, (ce qui est faisable) ce qui a pris tant de temps et de pers�v�rance � mettre en place. Dans ce cas une prolongation de la chasse limit�e dans le temps et circonscrite aux seuls secteurs sensibles peut s'av�rer n�cessaire. Le tir de quelques reproducteurs limitera de fa�on certaine l'augmentation de la population. Certains penseront que c'est trop, d'autres pas assez, qu'il faut nourrir, retenir, fixer avec je ne sais quelle � poudingue � et pourquoi pas l�cher des sangliers. J'ai d�j� eu l'occasion d'aborder ce probl�me dans un pr�c�dent ouvrage. Ce n'est pas de la gestion, encore moins de la chasse.
Penser que ces m�thodes pourraient tenter un chasseur de sanglier digne de ce nom est en soi une incongruit�.
Gilbert VALET