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: Ma Chasse
Protection de la nature
(Voici ce que disait Jean-Paul Harroy, il y a plusieurs dizaines d'ann�es,
mais ces propos gardent toute leur valeur et montrent que la prise de conscience
du n�cessaire besoin de protection de la nature a depuis longtemps touch� au
sein m�me du monde de la chasse nombre de ses adeptes fervents mais
responsables. Ils d�montrent ainsi que pour aimer, d�fendre et prot�ger la
nature, il faut tout d'abord communier avec elle, la vivre et la pratiquer avant
de pouvoir enfin en parler.)
Il est bon que le chasseur digne de ce nom sache que ceux qui s'intitulent
les protecteurs de la nature constituent bien plus pour lui des alli�s que des
adversaires. Ce sont, en effet, les appauvrissements caus�s parmi les
associations naturelles par les r�centes extensions des occupations humaines qui
rendent un peu partout la recherche du gibier plus malais�e qu'il y a seulement
un demi-si�cle.
Or, pr�cis�ment, ces appauvrissements sont d�nonc�s et combattus par les
protecteurs de la nature. Ce faisant, ils agissent donc en amis du chasseur.
Pour subvenir � ses besoins, l'homme a toujours pr�lev� dans la nature les
mati�res premi�res, bases de son �conomie. Ces pr�l�vements s'exercent aux
d�pens de substances irrempla�ables, comme les min�raux, et de celles qui se
renouvellent lorsque certaines conditions d'exploitation sont respect�es:
produits v�g�taux, d�pouilles d'animaux. L'avenir de l'humanit�, en vertigineuse
augmentation num�rique, repose donc sur la gestion plus ou moins sage du capital
biologique que la nature laisse � sa disposition: sols - avec leur r�seau
hydrographique -, couvert v�g�tal, faune.
Depuis que l'homme a domestiqu� plantes et b�tes, les v�g�taux et les
animaux sauvages ne cessent de reculer, partout refoul�s pour faire place aux
esp�ces, plus riches en produits utiles et mieux � port�e de main, qui font
l'objet des cultures et des �levages.
Le comportement de l'homme moderne � l'�gard de la faune sauvage est
d�sormais conditionn� par quatre consid�rations principales, que l'on peut
sommairement d�finir comme suit :
-
L'homme �carte par tous moyens, de ses cultures et de ses p�turages, les
animaux sauvages qui s'y pr�sentent comme des destructeurs des esp�ces cultiv�es
ou �lev�es.
-
Il m�ne des campagnes d'extermination contre les esp�ces animales qu'il juge
en tous lieux � nuisibles � � ses int�r�ts. Ses ukases, souvent fond�s sur des
impressions plus que sur des constatations scientifiquement contr�l�es, visent
des mammif�res, des oiseaux, des reptiles, beaucoup d'insectes.
-
Il s'empare, parfois sans se pr�occuper beaucoup d'assurer la p�rennit� de
son entreprise, des animaux sauvages dont les d�pouilles offrent une valeur
marchande appr�ciable: viande, graisse, peau, fourrure, plumes, ivoire, etc....
-
Il se distrait en donnant la chasse � des esp�ces dont l'abattage offre
certaines difficult�s, qui constituent le charme du sport cyn�g�tique.
Les protecteurs de la nature se pr�occupent de ces quatre formes d'attaques
que l'homme moderne, avec bien plus d'intensit� que jadis et au moyen d'armes
beaucoup plus puissantes, dirige contre les animaux sauvages qui subsistent
encore. Il n'y a gu�re de salut � esp�rer pour les b�tes sauvages dans l'habitat
desquelles le cultivateur ou le pasteur sont venus s'installer. Il y a moins de
cent ans, l'Afrique �tait le domaine incontest� des animaux sauvages, domaine
seulement parsem�, de-ci de-l�, de quelques minimes occupations humaines, dont
les habitants ne s'�cartaient qu'arm�s et l'oeil aux aguets. Aujourd'hui, les
r�les sont invers�s. L'Afrique est le domaine de l'homme, et la faune n'est plus
v�ritablement en s�curit� que dans des r�serves naturelles et dans quelques
secteurs �cart�s, chaque ann�e plus restreints et plus rares. Ce qui, au d�but
du XX�me si�cle, �tait un immense paradis des chasseurs perd sans cesse cette
qualit�, devant l'avance ininterrompue des cultures et des �levages. Car il est
hors de question de demander aux autorit�s, et encore moins aux agriculteurs, de
faire gr�ce aux animaux pr�dateurs surpris en train de d�vaster une r�colte ou
de porter pr�judice � un troupeau domestique.
La position des esp�ces aujourd'hui r�put�es nuisibles est moins d�sesp�r�e.
Les faits se sont d�j� souvent charg�s de d�montrer que tel oiseau � rapace �,
tel mammif�re carnivore, tel reptile, dont la t�te �tait mise � prix,
constituaient en fin de compte de pr�cieux auxiliaires de l'agriculture dont il
�tait d�raisonnable d'interrompre les services. On peut esp�rer que les progr�s
de l'�cologie �tabliront que rares sont les esp�ces qui n'ont pas � jouer, au
moins indirectement, dans le grand �quilibre de la nature, un r�le utile �
l'homme, et qu'il est d�s lors imprudent d'entreprendre l'�limination
syst�matique de l'une d'entre elles. De m�me, le d�veloppement des recherches
scientifiques incitera � user avec plus de mesure qu'actuellement de cette arme
puissante, aveugle et encore mal connue, que constituent les grands insecticides
modernes. Stimul�e par la raret� des albumino�des, les hauts prix de la viande,
le perfectionnement des armements, la chasse commerciale porte, pour une large
part, la responsabilit� de la diminution constante des r�serves de gibier du
monde. Dans les pays � forte densit� de population, le ph�nom�ne a aujourd'hui
pris fin. En Europe, il a �t� entrav� par l'appropriation rapide des domaines de
chasse, dont la r�duction, qui n'a cess� de s'accentuer, a alors �t� la
cons�quence du d�veloppement de l'agriculture. En Am�rique du Nord, il a connu
son apog�e au d�but du si�cle dernier, avec les h�catombes de bisons. En
Afrique, il est malheureusement d�j� entr� dans sa derni�re phase, les marchands
de viande, encourag�s par l'indiff�rence des autorit�s en cette mati�re,
finissant actuellement de vider de leur gros gibier les derniers territoires
jusqu'ici �pargn�s par l'agriculture. Seule une r�glementation s�v�rement
appliqu�e - et v�h�mentement r�clam�e par les protecteurs de la nature -
pourrait mettre fin � un abus d'exploitation injustement tol�r� au profit de
quelques-uns et au d�triment de l'int�r�t g�n�ral.
Le chasseur qui lit ces lignes ne s'est assur�ment pas encore retrouv� dans
les rubriques pr�c�dentes. Il aura les honneurs de ce dernier paragraphe, mais,
auparavant, il lui sera rappel� encore que les conditions dans lesquelles il
pratique son sport sont notoirement compromises par les ph�nom�nes qui viennent
d'�tre d�crits et que s'efforcent de combattre les protecteurs de la nature.
Dans beaucoup de r�gions du monde, notamment en Europe et en Am�rique du
Nord, le gibier ne survit plus aujourd'hui que dans la mesure o� les chasseurs
ont voulu, ont pu et ont su agir pour qu'il subsiste. Par endroits, ce gibier
sauvage est m�me pratiquement l'objet d'un �levage. De puissantes soci�t�s de
chasse veillent � sa protection. Le comportement du chasseur sportif envers son
gibier n'est plus d�s lors conditionn� par l'hostilit�, comme lorsqu'on traque
un pr�dateur, ou par la convoitise, comme � l'�gard d'une proie qu'on souhaite
consommer ou vendre. Un code d'honneur a spontan�ment pris naissance, qui
consacre l'estime, sinon la sympathie, que le chasseur professe envers l'animal
qu'il poursuit. Le sport bien compris se double d'une science, voire d'un art.
La connaissance approfondie des moeurs du gibier y est requise. Et,
progressivement, la seule recherche du beau troph�e se substitue au plaisir du
vaste tableau de chasse, avec, comme aboutissement, dans certaines chasses
difficiles, le remplacement du fusil par une camera. Arriv�s � l'�ge m�r,
beaucoup de grands chasseurs, surtout sous les tropiques, connaissent cette
�volution. Sans rien perdre de leur ferveur cyn�g�tique, ils sont, souvent
inconsciemment, venus se ranger aux c�t�s des protecteurs d�sint�ress�s de la
nature...
Jean-Paul HARROY.