Morphologie du sanglier : le sanglier est l'ancêtre du porc. Sa hauteur
au garrot peut atteindre un mètre. Pelage formé de poils raides, du gris
pâle au noir, groin à l'extrémité mobile, canines recourbées au-dehors et
vers le haut pour former des défenses qui peuvent atteindre 30 cm chez le
mâle. Pattes courtes, quatre sabots à chaque pied, les deux du milieu
servant à la marche. La longueur de la tête et du corps peut atteindre 178
cm, la queue 30 cm. La taille varie avec la région, plus petite et plus
légère en Europe de l'Ouest et du sud, plus grande et plus lourde en Europe
de l'Est. Ce gros et grand gibier occupe, pour certains chasseurs, la toute
première place en raison de son intelligence, de sa force, de son courage et
de son sixième sens. Sa couleur est variable, allant du brun foncé à un gris
plus ou moins argenté ou au jaune paille. Ce sont les animaux bruns, tendant
parfois sur le noir, qui sont de beaucoup les plus nombreux. Le pelage d'été
est plus clair et plus court que celui d'hiver, il apparaît en mai, pour
être remplacé, dès le mois d'octobre, par la bourre d'hiver, au milieu de
laquelle émergent des soies épaisses. Les sens du sanglier sont très
développés : son ouïe et son odorat apparaissent bien les meilleurs. À la
moindre alerte, il braque ses oreilles ou « écoutes » dans la direction du
bruit et remue son nez ou boutoir, dont la sensibilité olfactive est très
grande. Ses yeux, très petits, à l'image de son congénère domestique, ne
semblent pas atteindre la même perfection.
Sa denture est bien spécifique de l'espèce. Numériquement, elle est fort
importante : douze incisives, quatre canines et vingt-huit molaires forment le
total imposant de quarante-quatre dents. Morphologiquement, incisives et
molaires n'offrent rien de très particulier : ce sont celles d'omnivores. Les
deux inférieures sont les défenses, les deux supérieures sont les grès.
Ces canines apparaissent dès la naissance, elles se recourbent très vite.
Ces canines apparaissent dès la naissance, elles se recourbent très vite en
arrière, comme des cimeterres. Dès ce moment, à chaque mouvement du maxillaire
inférieur, la surface postérieure de la défense vient frotter sur la surface
antérieure du grès, qui fait alors office d'une meule à aiguiser à effets quasi
permanents. La défense constitue déjà un instrument puissant : pointe acérée et
bords tranchants comme un rasoir.
Avec l'âge (et en général vers la troisième année), l'inclinaison de la
défense vers l'arrière s'accentue suffisamment pour que sa croissance ne soit
plus gênée par l'usure du grès, sa pointe dépasse celle du grès, sa courbure
s'accentue vers l'arrière, vers les yeux ou mirettes, le sanglier est « miré ».
Les laies sont en général moins fortement armées. Les canines, toujours plus
grêles, s'aiguisent à peine l'une sur l'autre. Armes dont le sanglier se sert
avec force et adresse, soit, la gueule fermée, à la manière d'une forte lance,
soit, la gueule ouverte, puis refermée, à la manière d'une cisaille, les
défenses sont aussi des instruments aratoires, des outils de recherche dans le
sol. Leur rôle comme « couteaux de cuisine », qu'a mis en lumière le Dr
Oberthur, n'est pas non plus négligeable : le sanglier dépouille de la meilleure
manière chevreuils, lièvres ou hérissons et découpe avec la même adresse les
tubercules qu'il destine à son robuste appétit.
Avec sa musculature épaisse, son coffre puissant, le sanglier est un bel
animal de courre. Son train est moins rapide que celui du cerf, mais il est plus
égal et plus soutenu. Rien n'arrête ce puissant animal dans sa fuite : fourrés,
gaulis, haies, voire grillages sont traversés avec une égale facilité. On le dit
brutal et méchant. Or, il est naturellement affectueux et ne devient agressif
que si on lui cherche des noises. On le dit sale. Or, il l'est bien moins que le
porc : s'il se souille, c'est par hygiène, pour se débarrasser de ses parasites.
On le dit fuyard. Or, s'il fuit, c'est parce qu'il se fie à sa vitesse pour
semer ses poursuivants et troubler les tireurs. Acculé, il se défend
courageusement et fait payer cher, aux chiens, leur audace. C'est le plus grand
dévastateur de récoltes.
Alimentation : essentiellement légumineuse, racines, bulbes, tubercules,
glands, faines, mais aussi rongeurs, jeunes lapins, vers, escargots et même
serpents et même œufs. Peut être nuisible dans les zones cultivées en se
nourrissant de grain, de pomme de terre, de betterave, et en mettant à sac les
vignobles. Le sanglier fait ses mangeures la nuit. D'un éclectisme alimentaire
total, il lui faut la quantité et la qualité. Sa goinfrerie l'entraine à bien
des excès en été dans les champs de céréales et en automne dans les pièces de
pommes de terre, de betteraves ou de maïs. Ils lui valent d'être une « bête
fauve », dans le sens juridique du mot, et, de ce fait, de pouvoir être
repoussée par l'homme par tous moyens et en toutes circonstances (même de nuit).
En dehors de ce régime d'exception, il ne dédaigne pas pour autant les racines
et les vers blancs, même les vers de terre, qu'il se procure par un labourage
inharmonieux du sol des prairies ou des forêts. Ce sont des boutis si la terre a
été seulement remuée par places discontinues. Ce sont des vermillis si le sol a
été parcouru par des sillons prolongés. Il aime les fruits des arbres des forêts
: faines, châtaignes, et surtout glands, qui lui donnent sa pleine porchaison,
signe de force et d'embonpoint.
Il complète souvent cette nourriture par des aliments azotés : mulots, œufs
de toutes sortes, lapins, faisandeaux, jeunes faons, ou même animaux morts.
Répartition : bois et zones méditerranéennes de l'Europe et de l'Afrique du
Nord, Asie du Sud jusqu'en Malaisie, Sumatra, Java, les Philippines, le Japon et
Formose. On l'a introduit dans de nombreux autres pays.
Reproduction : le rut du sanglier commence quelquefois dans la dernière
quinzaine de novembre et dure jusqu'au mois de janvier, mais le plus
ordinairement, il a lieu dans le mois de décembre. Il n'y a guère que les races
bâtardes (provenant de croisement avec des cochons domestiques) qui entrent en
chaleur un peu plus tôt et qui, quoique rarement, éprouvent le sentiment deux
fois par an.
Dès que les vieux sangliers se sentent aiguillonnés par le besoin de la
reproduction, ils recherchent les troupes dans lesquelles se trouvent les laies.
Ils attaquent les jeunes mâles qui font partie de la troupe et les blessent
souvent gravement. Il n'est pas rare, à cette époque, de voir des vieux
solitaires s'accoupler avec une certaine audace et, à défaut de laies, avec des
truies domestiques élevées en extérieur. Après les chaleurs, les vieux sangliers
abandonnent les laies. Celles-ci se réunissent de nouveau en troupes avec les
jeunes sangliers et y demeurent jusqu'au moment de mettre bas, ce qui a lieu
quatre mois après. Alors, chaque laie se sépare de la troupe, recherche un
fourré épais dans un lieu tranquille, y pratique une fosse peu profonde qu'elle
garnit de mousse et d'herbes sèches.
Elle y dépose en mars ou en avril de quatre à dix marcassins, quelquefois de
dix à quinze, surtout après la première portée, qui est toujours la moins
nombreuse. Les jeunes marcassins restent plusieurs jours sans sortir. Lorsqu'ils
sont assez forts pour suivre la mère, elle les conduit avec prudence, les
rappelle s'ils s'écartent trop et les défend courageusement, sans rien craindre
pour elle-même, s'il se présente quelque danger. Dès qu'ils sont sevrés, la laie
rejoint la troupe qu'elle a quittée et que les tiers ans viennent d'abandonner
pour vivre seuls ou en compagnie de ragots ou de quartaniers, constituant alors
les troupes de grosses bêtes.
Le marcassin naît dans sa fosse de mousse, les yeux ouverts et a déjà huit
dents, dont les quatre canines. Il se tient sur ses pattes au bout de quelques
heures, grognant à tout moment comme un jeune cochon de lait. Sa livrée est
belle : l'or et le roux y dominent en cinq raies parallèles allant de la tête à
la queue.
Son poil, rare et brillant à la naissance, s'allonge et va devenir plus
roux. À six mois, son pelage sera entièrement roux : on l'appelle bête rousse.
À un an, le poil, qui a encore épaissi et allongé, vire au brun ou au noir,
c'est la bête noire ou bête de compagnie. Les défenses commencent alors à être
visibles chez les mâles.
À deux ans, la bête noire devient ragot ou laie ragote, et se sépare déjà
des compagnies familiales pour vivre seule ou avec d'autres sangliers d'âges
divers. L'animal a pris sa teinte définitive, sa vitesse est remarquable. Les
ragots sont souvent les animaux les plus durs à prendre.
À l'expiration de sa troisième année, le mâle qui est « miré », prend le nom
de tiers-ans, puis il devient quartanier et enfin solitaire.
Mœurs : sauf pendant le rut, le mâle est solitaire, la femelle reste
accompagnée de ses petits. Se nourrit la nuit, se maintenant très à couvert, se
repose le jour dans une bauge sous un arbre abattu ou un rocher. Se baigne
beaucoup dans la boue et fouille la terre pour se nourrir. Charge farouchement
quiconque le dérange. On le chasse beaucoup et il peut être dangereux s'il est
blessé.
Il effectue des déplacements importants et vit dans les forêts denses, les
landes, les marécages et jusque dans les montagnes.
Les sangliers sont essentiellement actifs la nuit. Leur journée se passe
dans des bauges, sortes d'excavations creusées dans le sol et situées dans la
végétation dense, sous un arbre arraché ou dans un fourré. Plusieurs animaux
peuvent y dormir ensemble ou à proximité l'un de l'autre.
Les sangliers vivent en troupes composées d'une femelle adulte et de jeunes
issus des deux portées précédentes. Plusieurs troupes peuvent se réunir pendant
des périodes plus ou moins longues. Les mâles adultes sont solitaires, mais les
subadultes appelés « ragots » se regroupent en petites bandes de quelques
individus.
Les habitudes du sanglier : rentré de ses agapes nocturnes peu avant le
jour, le sanglier rejoint sa bauge, où il demeurera tout le jour s'il n'y est
pas dérangé. Les animaux de compagnie se remettent simplement dans un fourré,
dans des fougères, de grandes bruyères, ou dans des marais et des queues
d'étangs. Le vieux mâle choisit en été des lieux peu couverts, en hiver, au
contraire, sa bauge sera plus confortable, toujours creusée et bien battue, elle
sera au milieu d'un grand roncier, sous des cépées compactes, de préférence au
milieu d'un versant à exposition chaude. C'est seulement au moment du rut que le
sanglier abandonne ses habitudes de vie nocturne, et il n'est pas rare de le
rencontrer sur pied en plein jour, même dans les forêts les plus tranquilles.
Par ses besoins de quiétude et de nourriture, le sanglier est un animal de
forêts, de très grandes forêts, il s'y cantonne à sa guise selon les saisons :
en été, il choisit les bordures de plaine et la proximité des étangs, en hiver,
les fourrés épais, les ravins encaissés près des points d'eau, et les pentes
favorablement orientées.
Intelligent, il l'est remarquablement, il interprète parfaitement les bruits
humains et même le comportement humain, mieux encore, il perçoit l'état
d'esprit, agressif ou pacifique, de l'homme qu'il rencontre.
L'existence du sixième sens semble résulter du fait qu'une troupe de
Sangliers, arrivant à grand bruit en face d'un chasseur posté dont l'attention
est en éveil et qui doit alors « rayonner » puissamment, s'arrête pile, sans
pouvoir ni le voir ni le sentir, et va sauter subrepticement la ligne à côté
d'un autre chasseur somnolent. La chance, dans la chasse du sanglier, et qui
favorise toujours les mêmes hommes, n'est-elle pas due au fait qu'ils n'émettent
aucune onde susceptible d'alerter ce véritable radar animal ?
La trace et les allures du sanglier :
LA TRACE. — Elle n'est autre que le pied du sanglier. Ses différentes
parties : pinces, côtés, sole, talon, jambe, sont analogues à celles du cerf.
Toutefois, la jambe est dépourvue de poils dès la deuxième année, la peau est
coupée de rides transversales qui marquent parfois sur le sol chez les vieux
animaux.
Les deux doigts postérieurs (les os du cerf) portent le nom de gardes,
celles-ci sont longues, minces, portées vers l'extérieur et marquent bien au
sol.
LES ALLURES. — Baudrillart, qu'il faut encore consulter en l'espace,
s'attachait, non sans raison, à distinguer les connaissances relatives à la
trace du sanglier de celles qui concernent la trace du porc domestique. « Le
porc », écrivait-il, ne met point comme le sanglier la trace de derrière dans
celle de devant, ses pinces sont plus rondes et plus écartées, les côtés plus
usés, et ses gardes (qui représentent les os chez le cerf) touchent à peine la
terre. Le porc appuie plus du talon que de la pince, tandis que le sanglier
appuie davantage de la pince que du talon.
Les traces du sanglier, beaucoup plus larges que celles d'aucun autre animal
de courre, ne peuvent pas être confondues avec d'autres. Le problème ne réside
que dans la différenciation entre sangliers, suivant leur sexe ou leur âge.
Voici les caractères qui les distinguent :
La trace, chez le jeune sanglier (bête de compagnie), est beaucoup plus
grande pour le pied de devant que pour le pied de derrière, le talon est large,
les pinces sont très rondes, les gardes donnant toujours en terre, les côtés
plus usés, il pose le pied de derrière, dans la trace de celui de devant, mais
un peu à côté et en dehors de celle-ci, à cause de ses « suites » (testicules)
qui commencent à prendre du volume et l'obligent à marcher les cuisses plus
ouvertes que la laie, qui met également sa trace de derrière dans celle de
devant.
La laie a une égalité de traces pour ses deux pieds, les pinces aiguës ou
pointues, le talon est peu large et les côtés sont tranchants, elle est haut
jambée et marque de ce fait rarement la terre de ses gardes.
Chez les mâles, au fur et à mesure qu'ils vieillissent, les pinces
s'arrondissent, la sole et le talon s'élargissent, les côtés deviennent moins
tranchants, les éponges s'ouvrent progressivement au niveau de la sole, les
gardes s'élargissent et se rapprochent du talon, marquant plus fréquemment et
plus profondément en terre.
Chez les quartaniers, où tous ces caractères sont particulièrement accusés,
on remarque par « beau revoir » (sol mou) des rides entre les gardes et le
talon.
Les vieux sangliers, sangliers mirés, sont très bas jambés.
Enfin, certains ont une pince beaucoup plus longue que l'autre et recourbée,
ce sont les pieds pigaches, qui donnent aux veneurs toute facilité dans le
change.
Le sanglier est chassé à courre, comme il est chassé à l'affût, mais c'est
en battue (battue simple, battue avec chiens ou battue peignée) qu'il est le
plus souvent chassé ou détruit.